1,2,3 albums : lectures transgénérationelles
Les lectures partagées se poursuivent à l’Ehpad avec une vingtaine de résidents assidus et fidèles. On se réunit en salle d’animations, où les albums non lus sont exposés. Après avoir résolu une énigme, le gagnant choisit le livre du jour et la lecture, souvent à deux voix, démarre. S’ensuivent des échanges, souvent spontanés, toujours riches, sincères et appréciés de tous.
Ainsi pour Carton rouge, les résidents parlent beaucoup
de leur vécu et de leurs souvenirs de guerre, sujet fédérateur où la plupart sont d’accord avec ce que raconte ou ressent l’autre.
– C’est un beau livre. De
par son titre, il attire l’attention sur le foot mais il fait comprendre autre chose.
– Le match de foot est un prétexte pour parler de la prise du pouvoir en Autriche ou « Anschluss ».
Tous se souviennent de cette période où Hitler a pris possession de l’Autriche. Ils racontent avec une précision et une mémoire étonnante.
– En 1933, Hitler devient chancelier d’Allemagne. Avant de devenir le « Führer » c’était un autrichien, il ne faut pas l’oublier.
– En 1939, on sentait la guerre. Moi, je passais mon certificat d’études à Nancy.
Tous se rappellent des Jeux olympiques d’été en 1936 où l’Allemagne était donnée grande favorite du 100 m et où Hitler a refusé de saluer le drapeau américain, le noir Jesse Owens, ayant gagné la course.
Ils racontent également combien il était dur de vivre et même de survivre à cette époque, avec son cortège de suicides. Ils parlent inflation, exode.
Nous, animateurs, nous écoutons, silencieux, respectueux et pleins d’émotion les résidents partager grâce à cet album, leur vécu d’avant la guerre de 39-45.
Sélection de Ricochet
L’album est un heureux mélange de vérité et de fiction. Sindelar et sa fiancée italienne, peut-être juive, ont réellement été victimes d’un attentat déguisé en accident. L’habileté des auteurs est d’aborder la question par le biais du petit Marcus qui ne voit que le jeu. Le stratagème qui unit les deux univers est un peu fabriqué mais on est emporté par la peinture réaliste et les espoirs contradictoires du père et du fils. L’un souhaite que le virtuose du ballon joue, l’autre qu’il renonce.
Lorsque Sindelar joue, Marcus exulte. Mais lorsqu’il joue sans concession contre l’Allemagne, le père exulte. L’album rend vive la tension du match et les illustrations pleine page qui associent la victoire du joueur et la victoire du peuple sont vraiment fortes et belles. La bouteille de lait brisée et le ballon dégonflé suffisent à montrer l’écrasement…
Marque d’opposition ou enjeu politique vivace, l’instrumentalisation du sport est un sujet suffisamment rare et intéressant pour saluer ici ce beau jeu. Un album qui séduira bien au-delà des seuls amateurs du ballon rond, une leçon d'histoire, une vraie réflexion sur des enjeux de société.
Choix du Lundi de Livralire
L’histoire est celle d’un joueur autrichien intègre et courageux qui a payé de sa vie pour avoir défié la dictature nazie. En regard du récit fin et saccadé, des peintures réalistes et expressives pleine page. Après Rosa park (Le bus de Rosa, 2012), le duo d’artistes nous offre un très beau portrait d’homme libre.